Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

03/10/2009

Affliction – Russell Banks (1989)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

Affliction.gif

Dans une petite localité du New Hampshire, Wade Whitehouse, la quarantaine, est un homme en déliquescence. Divorcé deux fois de la même femme, devenu étranger à sa propre fille que pourtant il adore, il vit dans une caravane et travaille comme ouvrier d'une société de forage et policier municipal à temps partiel. Et, petit à petit, il sombre dans l'alcoolisme, la violence (hérités du père) et la dépression, en ruminant ses échecs. L'arrivée de l'hiver et de la neige, qui prive les habitants de Lawford de tout loisir autre que la fréquentation du bar local, n'aide en rien Wade à remonter la pente. Il bascule définitivement le jour où un citoyen en vue est accidentellement tué lors d'une partie de chasse au cerf. Dès lors, dévoré par l'obsession de découvrir un hypothétique assassin, il s'enfonce dans un désert de solitude et de folie, toutes ses tentatives pour en réchapper l'entrainant inexorablement plus profondément vers la déchéance. Découvrir la suite...

24/09/2009

Si loin de vous – Nina Revoyr (2008)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

Si loin de vous.gif1964 : Jun Nakayama, d'origine japonaise, est un vieil homme modeste et discret, qui vit dans une zone pavillonnaire à l'ouest d'Hollywood, et dont les voisins sont loin de soupçonner le passé de star du cinéma muet. En effet, cela fait 40 ans que Jun a tourné son dernier film, et la question qui habite ce roman est de savoir pourquoi ? Pourquoi Jun a-t-il renoncé à une carrière glorieuse pour vivre le reste de sa vie dans l'anonymat ? L'arrêt de sa carrière, en 1922, est-elle due à la lassitude du public, à la montée du racisme, à la fin du cinéma muet ? Ou est-elle liée au meurtre jamais élucidé du grand réalisateur Ashley Benett Tyler ?

L'un des plaisirs offert par ce roman réside dans le dévoilement progressif de la personnalité du personnage principal, Jun Nakayama. Sous son apparence de vieux monsieur sans histoire et courtois, on découvre petit à petit un homme complexe à l'histoire personnelle riche et mouvementée. Par bribes, Jun se raconte (son arrivée aux Etats-Unis, ses débuts d'acteur, son ascension fulgurante, les femmes de sa vie, les fêtes hollywoodiennes, l'arrêt brutal de sa carrière), la narration faisant d'incessants allers-retours entre présent (1964) et passé (années 1910-1920). Et finalement, on découvre un homme assez orgueilleux (et pas toujours très sympathique), un peu veule, émotionnellement déficient, mais attachant malgré tout.

J'ai aussi apprécié le rythme lent de la narration et sa nostalgie latente, et toutes ces informations que l'on recueille tout au long de la lecture sur l'histoire du cinéma, du muet au parlant, les débuts d'Hollywood et du "star system", et le contexte historique du début des années 1920 (l'après Première Guerre mondiale, la question raciale avec la montée de la peur du "Péril jaune"...).

Si loin de vous aborde de nombreux thèmes : la célébrité et l'ambition, comment le succès peut pervertir, comment "le rêve hollywoodien" peut devenir cauchemar, comment un individu lambda peut participer d'un racisme "ordinaire"... C'est aussi une belle méditation sur le passage des ans et les occasions manquées. Et c'est surtout un bel hommage au cinéma muet, évoqué avec finesse et tendresse.

Bref, un moment de lecture tout à fait charmant.

______________________________

Nina Revoyr, Si loin de vous (The Age of Dreaming), traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Bruno Boudard, éd. Phébus, 2009 (2008), 376 pages, 23 €.

Livre lu grâce à Chez les filles et aux éditions Phébus, que je remercient.

11/08/2009

Lune sanglante – James Ellroy (1984)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

Lune sanglante.gifLune sanglante est le premier volume d'une trilogie (les deux autres volumes étant À cause de la nuit et La colline aux suicidés) mettant en scène le sergent Lloyd Hopkins, un flic ambigu, doté d'une intelligence remarquable et d'une intuition à la limite du surnaturel, et obsédé par le crime et le sexe...

Suite à un meurtre particulièrement barbare, le sergent Hopkins s'intéresse à tous les meurtres non résolus commis depuis quinze ans dans le comté de Los Angeles et dont les victimes ont été des femmes. Il découvre que sa récente victime est la dernière d'une longue série... Mais Lloyd va devoir mener seul son enquête car sa hiérarchie refuse d'admettre avoir laissé un serial killer agir en toute impunité pendant presque vingt ans. L'affaire du Massacreur d'Hollywood ne fait que commencer...

Considéré comme un "classique" de la "littérature noire", Lune sanglante est l'un des premiers polars à adopter une narration développant en parallèle d'une part l'itinéraire du tueur et d'autre part le parcours du flic le traquant, en un combat archétypal de la lutte du bien contre le mal (par moment l'ambiance du livre frôle le mysticisme), mais sans manichéisme simpliste pour autant. Car les personnages sont tous ambivalents. Le tueur, traumatisé par une enfance de souffre-douleur, collectionne les meurtres de femmes en se convaincant de les sauver ainsi de leur propre déchéance. Le flic a une intelligence remarquable et un palmarès imbattable, mais aussi une psychologie torturée et des démons intérieurs implacables. Il a pour obsession de lutter contre le vice et de préserver l'innocence, quitte à sacrifier carrière et famille à son absolu. Ainsi donc, si le combat se déroule entre deux hommes, il est aussi et avant tout intérieur, symbolisé dans les contradictions de la personnalité d'Hopkins.

Chez Ellroy, on devine une grande tendresse envers le genre humain, tendresse qu'il s'ingénie à dissimuler sous un style sec, cru et violent, parfois presque écœurant, et dégageant des miasmes de sensualité, de transcendance et de désespoir.

______________________________

James Ellroy, Lune sanglante (Blood on the Moon), traduit de l'américain par Freddy Michalski, éd. Rivages/noir, 2001 (1984), 286 pages, 8,40 €.

Du même auteur :
> Brown's requiem
> Le Dahlia Noir

16/01/2009

Lâchons les chiens – Brady Udall (1997)

5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif 5241f3784ad62eec1a01a08d1ab59ef3.gif

 

Lâchons les chiens.gifEn onze nouvelles, onze instantanés de vie, Brady Udall nous plonge dans "l'Amérique profonde", celle des petits patelins paumés d'Utah et d'Arizona où il ne se passe jamais rien. Pourtant, c'est bien là que Brady Uddal situe tous ses récits, et il sait tromper l'ennui et la normalité malsaine des bleds où ces nouvelles prennent place par un recours naturel au comique et une générosité humble mais réelle. Découvrir la suite...

19/12/2007

Le pouvoir du chien – Thomas Savage [1967]

Genre : l'Ouest Savage

le pouvoir du chien,thomas savageAu début, nous croyons avoir affaire à un western littéraire, virile échauffourée de vachers le pied à l'étrier sous le soleil du Montana... Que nenni ! (Tien, j'aime bien cette expression moi, que nenni, on ne l'utilise pas assez je trouve...) Que nenni, donc ! Tout y est pourtant, la sauvage beauté de l'Ouest mythique, les murmures du vent, les chevaux qui piaffent, les troupeaux de bétail, le silence des hommes... Mais dans ce décor de Far West, c'est un drame qui se trame. Le roman de Savage se situe du côté du thriller psychologique dans lequel la tension croît lentement mais inexorablement et la tragédie avance en un crescendo époustouflant, extrêmement maîtrisé.

Nous sommes au cœur du Montana, en 1924, dans un ranch imposant où les deux frères Burbank, des célibataires endurcis, règnent sur un millier de bœufs et une dizaine de garçons de ferme. George, le cadet surnommé "Gras-double", un peu lourdaud, un peu obtus mais intrinsèquement brave, laisse Phil, l'aîné, archétype du cow-boy misogyne arrogant mais brillant, tenir les rênes de l'exploitation. Les deux frères-contraires gèrent leur bétail et leurs dollars sans souci et en parfaite harmonie. Tout bascule pourtant lorsque George épouse Rose, une jeune veuve, et la fait venir au ranch. Phil la déteste d'emblée et décide d'éliminer l'intruse, coûte que coûte. Il la harcèle, l'humilie, l'accable de son mépris. Devant tant de perfidies George reste impuissant et Rose se met à boire, de plus en plus. Elle sombre, corps et âme. Mais Phil n'a pas gagné pour autant car celui qu'il surnomme "Mademoiselle Chochotte", le fils adolescent de Rose, est un garçon troublant et très intelligent...

Savage façonne ses personnages et ses paysages avec justesse et subtilité. L'Ouest sauvage tient ici une place essentielle, il n'est pas seulement un arrière-plan décoratif. Savage ne se contente pas d'exalter cette terre mythique, il montre comment elle façonne les mœurs, comment elle s'infiltre dans les replis des cœurs et soumet les êtres à sa violence, à sa démesure, à son indomptable sauvagerie. Le roman plante des paysages magnifiques, rudes et âpres qui sont le miroir des sentiments contradictoires qui taraudent les personnages : la bonté de George, la force cachée du fils, la lente chute de Rose et surtout la perversité de Phil. Car au-delà de la fascination que nous éprouvons grâce à la qualité d'écriture et la maîtrise du style de Savage, nous nous sentons souvent mal à l'aise, tant le mal incarné par Phil s'insinue dans chaque page. Puis, petit à petit, page après page, nous comprenons ce que Phil dissimule sous sa carapace de rustre grossier, misogyne, raciste et homophobe... sa propre homosexualité refoulée, tabou majeur dans l'univers masculin des ranchs à une époque voué aux préjugés.

Le pouvoir du chien n'est donc pas seulement un documentaire sur l'Amérique rurale des années 1920, encore que l'auteur n'oublie pas de jeter un regard aussi lucide qu'ironique, voire cynique, sur le monde des éleveurs de cette époque. Son roman, dur, puissant, fascinant, intelligent et brillamment écrit, s'attaque à un sujet rarement abordé à cette époque, celui de l'homosexualité refoulée qui s'exprime sous forme d'homophobie. Un aspect douloureux et solitaire de l'Ouest est ainsi saisi dans ces pages.

Pour conclure, voici les premières lignes du roman qui posent d'emblée les personnages, l'environnement, le style et le sujet :
« C'était toujours Phil qui se chargeait de la castration. D'abord, il découpait l'enveloppe externe du scrotum et la jetait de côté ; ensuite, il forçait un testicule vers le bas, puis l'autre, fendait la membrane couleur arc-en-ciel qui les entourait, les arrachait et les lançait dans le feu où rougeoyaient les fers à marquer. Etonnamment, il y avait peu de sang. Au bout de quelques instants, les testicules explosaient comme d'énormes grains de pop-corn. Certains hommes, paraît-il, les mangeaient avec un peu de sel et de poivre. "Amourette", les appelait Phil avec son sourire narquois, et il disait aux jeunes aides du ranch que s'ils s'amusaient avec les filles ils feraient bien d'en manger eux aussi.
George, le frère de Phil, qui, lui, se chargeait d'attacher les bêtes, rougissait d'autant plus de ces conseils qu'ils étaient donnés devant les ouvriers. George était un homme trapu, sans humour, très comme il faut, et Phil aimait bien l'agacer. Quel grand plaisir, pour Phil, d'agacer les gens ! »

______________________________

e%2040.gif Thomas Savage, Le pouvoir du chien (The Power of the Dog), traduit de l'américain par Pierre Furlan, éd. Belfond, coll. 10/18 domaine étranger, 2004 (1967), 338 pages, 7,80 €.

Du même auteur : La reine de l'Idaho

Et merci à Cuné de m'avoir offert ce livre lors d'un swap fort lointain...